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Introduction au Livre d'Enoch
Introduction au Livre d'Enoch
Comme toutes les nouvelles Religions qui s’imposent sur les anciennes croyances, le Christianisme a été introduit dans l’Histoire du monde et des Cultes, en se basant principalement sur des Textes Saints écrits bien avant sa révélation. Il en est ainsi de l’Ancien Testament. Les révélations et les prophéties contenues dans ses Canons furent utilisées, traduites et orientées afin de faire accepter aux peuples les dogmes de l’Eglise nouvelle, qui s’appuyaient essentiellement sur la mort et la résurrection du Christ. Ce mode de propagation des cultes, n’est bien évidemment pas propre à la pensée chrétienne, mais s’ancre avec force dans une méthode nécessaire à la divulgation et d’appropriation des croyances et des croyants. Elle s’appuie sur des dogmes, des principes, des lois, des préceptes, des rituels qui existaient avant l’apparition même du Guide qui forgera la Religion nouvelle. Les Prophéties entrent particulièrement dans ce mode de divulgation et d’acceptation des nouveaux cultes. Au Chapitre 5, versets 12 à 17 de l’Evangile de Matthieu, on prête ainsi à Jésus-Christ, la parole suivante :
« Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux, car c’est ainsi qu’on a persécuté les Prophètes qui ont été avant vous. Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée, et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau. On la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. »
Au commencement d’une Religion, en effet, les révélations anciennes se fondent dans les vérités nouvelles. Le Christianisme s’est proposé en absorbant l’Ancien Testament de Moïse, de le perfectionner, de l’accomplir, de l’expliquer, tout comme l’ont fait en leurs temps les Religions de Mithra, de Mazda, du Sol Invictus, et du Judaïsme. Toutes les Religions du Monde passé et présent se sont un jour greffées sur une Religion anciennement établie et acceptée par le peuple. C’est dans ce cadre qu’interviennent les Prophètes : Ils annoncent une révélation antérieure à la Religion qui sera un jour proclamée comme bonne et véritable. Les juifs, ont utilisé Abraham puis Moïse pour regrouper en Lois, les Rites Egyptiens, et leurs donner une origine et une signification différentes. Les Perses ont embrassé Zoroastre pour supplanter la Religion préexistante des Mages. Les Musulmans, ont donné à Mahomet, la faculté de modifier les croyances chrétiennes pour en tirer une première Religion de l’Islam. Il est en effet très difficile, voire impossible, de faire adopter aux hommes une révélation religieuse totalement nouvelle, sans l’imposer par la force, si celle-ci n’a pas de ramification ou ne partage pas les mêmes rituels et les mêmes croyances absolues dont les peuples sont déjà imprégnés. Les Dieux sont remplacés et meurent, les fondements du culte sont modifiés, mais les rituels, eux, restent et doivent demeurer immuables. Car ces rituels ne découlent pas d’une vérité absolue, mais de raisonnements mystiques et allégoriques. La Prophétie est le principal outil qui permet le rayonnement de ces raisonnements particuliers, car elle s’impose en elle-même comme contenants des allégories dont la traduction est autant exotérique qu’ésotérique.
Toutes les Religions ont en communs des mythes fondateurs. Ceux-ci englobent les réponses aux premières questions des hommes, comme la naissance de l’Univers, le jour et la nuit, les saisons, l’origine du premier homme, le sens de la vie et de la mort. Toutes ces questions se retrouvent dans ce que nous pouvons appeler les Grands Mythes de la Création. La Bible nous parle de six jours nécessaires à Dieu, dans Genèse, Chapitre 1 :
« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec la ténèbre. Dieu appela la lumière jour, et il appela la ténèbre nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour. Dieu dit : Qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. Et Dieu fit l’étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus de l’étendue. Et cela fut ainsi. Dieu appela l’étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le second jour. Dieu dit : Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. Et cela fut ainsi. Dieu appela le sec terre, et il appela l’amas des eaux mers. Dieu vit que cela était bon. Puis Dieu dit : Que la terre produise de la verdure, de l’herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi. La terre produisit de la verdure, de l’herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le troisième jour. Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit ; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années ; et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi. Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles. Dieu les plaça dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre, pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d’avec la ténèbre. Dieu vit que cela était bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le quatrième jour. Dieu dit : Que les eaux produisent en abondance des animaux vivants, et que des oiseaux volent sur la terre vers l’étendue du ciel. Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent, et que les eaux produisirent en abondance selon leur espèce ; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. Dieu les bénit, en disant : Soyez féconds, multipliez, et remplissez les eaux des mers ; et que les oiseaux multiplient sur la terre. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le cinquième jour. Dieu dit : Que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce. Et cela fut ainsi. Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et assujettissez-la ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture. Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut ainsi. Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour. »
La Création que la Bible nous propose n’est pas le seul écrit des origines dont nous disposions. Seulement, il a l’avantage de nous soumettre au travers de ses versets, les différentes questions qui frappèrent les hommes à l’aube de l’humanité. Le Soleil était la première question, qui se répandait comme une traînée de poudre jusqu’au symbole que l’homme était en mesure de vénérer puisqu’il pouvait le créer lui-même : le Feu. Une puissance qui jaillissait parfois du sol et que personne ne pouvait alors contrôler, maîtriser ou apaiser, sans en payer le prix d’un sacrifice. Ensuite, la mère nourricière qu’était la Terre, l’enveloppait de la puissance de procréation. Tout comme la femme donnait la vie, la Terre donnait naissance à la nature comestible qui était consommée. La vie des hommes se déroulait comme un fleuve, une rivière qui passe entre les doigts de celui qui y trempe la main. L’Eau était de même incontrôlable, asséchant la mère nourricière ou se déversant en elle, pour la pénétrer et la prendre, lui confiant son limon, véritable semence de procréation. Le Ciel, lui aussi attirait les regards. Le cycle des étoiles, des planètes, du Soleil qui naissait et mourrait, de la Lune si présente, rongée au fil des jours, disparaissant et reparaissant sans discontinuité. Tout cela représentait des signes sur lesquels l’homme devait se pencher et réfléchir. L’homme, inutile en lui-même, devait suivre un cycle identique, lui qui avait été créé dans un monde qui pouvait se développer et s’épanouir sans lui. C’est sans nul doute cette inutilité humaine qui poussa les premiers esprits à imaginer que l’homme avait été créé pour autre chose, que de participer au cycle naturel des Eléments qu’il observait. Le cycle de la nature était le même que celui de sa vie.
Tout comme le Soleil, il naissait un jour et un jour il mourait. Tout comme la phase lunaire, le cycle féminin s’inclinait à une redondance de durée de 28 jours. Les saisons humaines étaient l’allégorie de celles de la nature. Si l’homme suivait le rythme de la Création de l’Univers, c’est que le Grand Architecte qui avait procédé à l’invention avait créé l’homme lui aussi, pour faire partie intégrante de ce Monde. Et puisque l’homme pensait, il devait être le fils de Dieu. Hors, très tôt, l’homme pensa Dieu dans le Soleil. Et si le Soleil, naissait, mourait et renaissait, c’est qu’il était en quelque sorte immortel, mais surtout capable de ressusciter. Cette immortalité, l’homme devait donc la partager avec son Dieu. Mais comment s’en assurer ? Car si tous les hommes sont les fils de Dieu, il n’en reste pas moins qu’ils ne sont pas égaux entre eux. Que fallait-il faire pour mériter sa place dans le Seigneur ? Il fallait être guidé, et suivre des voies définies par des règles, des dogmes, des principes, c’est-à-dire des croyances qui aboutiront à la naissance des premières Religions. La prophétie va aider à mettre en place la raison ordonnée d’une idée injustifiable, car déraisonnée, celle de la Foi.
Seulement, déclarer les causes pour en analyser les conséquences n’est pas faire acte de prophétie. Deviner le passé ou l’avenir au travers d’entrailles, dans la ligne de la main ou dans le sang d’un sacrifié, n’en est pas plus une réalisation à tendance prophétique. Alors, qu’est-ce qu’être Prophète ? Etre Prophète, c’est être un homme ou une femme, amenés à connaître le passé et l’avenir, par inspiration divine. Mais, pour être en mesure de recevoir cette inspiration, il faut y être consacré. La consécration n’est pas une faculté choisie. En effet, c’est une particularité exceptionnelle qui se reçoit. C’est un don et dans ce sens, il ne peut être défini comme une disposition humaine susceptible d’être transmise par l’hérédité. Cette caractéristique ne peut pas être de même, acquise en suivant l’enseignement d’un maître.
Cette donnée prise dans ce principe, est donc primordiale, car elle suppose une totale transparence dans la prophétisation, c’est-à-dire une incapacité à traduire incorrectement et à modifier volontairement l’essence même de la connaissance donnée à transmettre. Ainsi, le vrai Prophète est dans son essence, aucunement libre de choix, à ressentir les visions ou les songes qui vont l’entraîner à voir la vérité. Le Prophète est le réceptacle d’une volonté de dire qui ne lui appartient pas. Pour cette cause, il est désigné malgré lui à la transmission de données qu’il devrait parfois être incapable de comprendre lui-même. Et cette faculté, l’oblige de fait à retranscrire l’exacte vérité qui transpire par sa bouche. Tel un rêve, dont le fondement est par définition impossible à expliquer avec exactitude, le Prophète donne à celui qui l’entend ou le lit, la possibilité de la libre traduction, mais également celle de l’erreur dans sa transcription. Seuls des indices, aideront les destinataires du vrai message.
Il est donc tout à fait exclu de penser que le Prophète est issu d’une lignée, d’un peuple, d’une race ou d’une religion. Le Prophète reste l’organe de la projection de Dieu et ne peut dans ce sens, se soustraire à son appartenance humaine et à son universalité. Dieu, n’est pas sectaire, il s’ouvre à être connu et aimé de tous les hommes.
A cette caractéristique primordiale, s’ajoute la notion de révélation. L’Apocalypse du Prophète, αποκ?λυψη en Grec, dans ce qu’il a de plus important, est la connaissance nouvelle, unique, encore inconnue, mais surtout divine des choses qui ont eu lieu et de celles qui auront lieu. Au sens le plus large, celui de la Religion, le Prophète, c’est celui qui inspiré de Dieu, annonce ses Lois, ses Commandements et ses Mystères et en explique par l’allégorie les raisons et les causes. C’est donc à raison, que le mot Prophète, vient du grec προφ?της, qui peut se traduire par deviner la parole de Dieu.
Les prophéties gardent un sens exotérique et ésotérique, un accomplissement littéral et mystique. Le vrai Prophète, au contraire du faux, reste donc celui qui a le don de la parole de Dieu, et non celui qui prévoit en utilisant l’art de la divination ou d’autres moyens occultes et magiques. C’est là toute la différence qui existe entre le Prophète et le magicien ou le divinateur. Si le Prophète est considéré comme un élu de Dieu, le devin est lui, regardé comme un charlatan ou un disciple du diable et de ses démons. Et pourtant, les Sibylles, les prêtresses païennes et profanes, gardent dans le nombre douze des dernières élues, la Parole qui annonça pour les chrétiens, la venue du fils de Dieu. Telle la Sybille de Tibur qui prophétisa :
« Le Christ naîtra à Bethléem et il sera annoncé dans Nazareth, comme régnant sur son trône pacifique et vivant en repos. Heureuse la mère dont les mamelles allaiteront cet enfant. »
Les Sibylles ne sont pourtant pas des Prophétesses consacrées, puisque revêtues de l’abject vêtement des sorcières païennes, suivant les Pères de l’Eglise Chrétienne ou les Rabbins juifs.
Pour l’Eglise catholique, la Bible comprise dans son ensemble, c’est-à-dire l’Ancien et le Nouveau Testament, contient les Livres canoniques de quatre Grands Prophètes. Ce sont Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel. A ces quatre Grands Prophètes, s’ajoutent douze Petits Prophètes, qui sont Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. Pour l’Eglise Chrétienne Orthodoxe, ce sont les Petits Prophètes qui sont mis à l’honneur, car ils sont considérés comme les auteurs d’écrits plus anciens que ceux des Grands Prophètes. Les Orthodoxes mettent d’ailleurs Daniel, au titre des Petits Prophètes et Esaïe, au titre de Grand Prophète. Les Juifs quant à eux, bien qu’acceptant l’existence de nombreux Prophètes, n’en considèrent que trois Grands, Esaïe, Jérémie et Ezéchiel, et réfutent l’appartenance de Daniel à cette conception.
Bien que non confirmé dans les Canons des Religions monothéistes, Enoch reste sans aucun doute un des plus intéressants Prophètes des Ecritures Saintes ou Apocryphes, suivant les époques. Enoch peut s’orthographier de plusieurs façons en Hénoch ou Hénoc. Il serait un nom tiré d’un verbe d’origine hébraïque, qui caractérisait une idée, celle de l’instruction. Le mot Enoch, paraît se définir comme la dérivation de chanowk (???????) en Hébreux, traduit par ?ν?χ en grec. Enoch, devient par cette interprétation, celui qui est initié, celui qui sait pour avoir été consacré à la vérité. Or, la consécration amenant à l’initiation est une donnée égyptienne, que nous retrouvons dans les Mystères et notamment celui dédié au Culte d’Osiris et d’Isis. L’initiation est incompatible avec la profession de Prophète, puisque ce dernier est instruit du savoir, non pas par un ou des Dieux, mais par les détenteurs du savoir ésotérique, les Prêtres. Enoch est donc celui qui sait pour avoir été initié aux Mystères. Dans ce principe, il n’est donc pas Prophète, mais détenteur des secrets qui lui ont été révélés.
Dans les écrits bibliques de l’Ancien Testament, deux personnages d’importances, deux patriarches, portent le nom d’Enoch :
- Le premier est le fils de Caïn, l’auteur du premier homicide. Enoch fils de Caïn, naît en effet d’un père qui après avoir assassiné son frère Abel, est maudit par Dieu. Suivant cette malédiction, la race et la descendance de Caïn, sont elles-mêmes maudites.
- Le deuxième Enoch est un descendant de Seth, le troisième fils d’Adam et Eve.
Il est intéressant de se pencher sur le nom de Seth, avant de poursuivre. Seth a deux particularités dans les anciennes religions. Nous l’avons déjà présenté comme un fils des premiers hommes, Adam et Eve. Cependant, il existe également sous la forme d’un Dieu, celui de la confusion chez les Egyptiens. Seth ou Setesh, la Connaissance, qui deviendra Sethan, Sathan puis Satan lorsque les hommes en choisissant une religion monothéiste auront force de justifier le mal en l’incarnant dans un être abject, le Diable, qui trompe autant qu’il inquiète. Que ce nom soit tiré d’un Dieu Egyptien n’est pas le produit du hasard, mais hautement volontaire et symbolique.
Le Livre d’Enoch en son entier, évoque plusieurs personnages bibliques, et donne suffisamment d’indices qui permettent sans aucun doute de confirmer à quel patriarche, il fait référence. Ainsi, Enoch, le descendant de Seth enfant d’Adam et Eve, devient l’évidence. Suivant le Livre de la Genèse, Enoch est le septième homme de l’humanité. Il est le fils de Jared et le père de Mathusalem. Mathusalem donna naissance à plusieurs enfants, dont Lamech. Le premier Livre d’Enoch en parle, dès le Chapitre X (Kefet X), verset II :
« Il [Dieu] envoya Arsayalalyur, au fils de Lamech. »
Lamech est le fils de Mathusalem, qui lui-même est le fils d’Enoch. Et, le fils de Lamech n’est autre que Noé.
Le deuxième Livre d’Enoch, au Chapitre XXXVII, verset I, confirme le fait :
« Voici une autre vision, la seconde vision de sagesse, la vision qu’eut Enoch, fils de Jared, fils de Mahalaleel, fils de Kenan, fils d’Enosch, fils de Seth, fils d’Adam. »
Ainsi, l’époque considérée dans les différents Livres d’Enoch correspond aux premiers temps du monde relatés par l’Ancien Testament. C’est-à-dire, suivant les âges et l’affiliation des premiers Pères – Adam, Seth, Enosch, Kenan, Mahalaleel, Jared, Enoch, Mathusalem, Lamech – entre l’année 687 et 987, après la chute et le renvoi d’Adam et Eve du Paradis. Le Livre de la Genèse, Chapitre 5, versets 1 à 23, nous en fait le détail :
« Adam, âgé de cent trente ans, engendra un fils à sa ressemblance, selon son image, et il lui donna le nom de Seth. Les jours d’Adam, après la naissance de Seth, furent de huit cents ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours qu’Adam vécut furent de neuf cent trente ans ; puis il mourut. Seth, âgé de cent cinq ans, engendra Enosch. Seth vécut, après la naissance d’Enosch, huit cent sept ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours de Seth furent de neuf cent douze ans ; puis il mourut. Enosch, âgé de quatre-vingt-dix ans, engendra Kénan. Enosch vécut, après la naissance de Kénan, huit cent quinze ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours d’Enosch furent de neuf cent cinq ans ; puis il mourut. Kénan, âgé de soixante-dix ans, engendra Mahalaleel. Kénan vécut, après la naissance de Mahalaleel, huit cent quarante ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours de Kénan furent de neuf cent dix ans ; puis il mourut. Mahalaleel, âgé de soixante-cinq ans, engendra Jared. Mahalaleel vécut, après la naissance de Jared, huit cent trente ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours de Mahalaleel furent de huit cent quatre-vingt-quinze ans ; puis il mourut. Jared, âgé de cent soixante-deux ans, engendra Hénoc. Jared vécut, après la naissance d’Hénoc, huit cents ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours de Jared furent de neuf cent soixante-deux ans ; puis il mourut. Hénoc, âgé de soixante-cinq ans, engendra Mathusalem. Hénoc, après la naissance de Mathusalem, marcha avec Dieu trois cents ans ; et il engendra des fils et des filles. Tous les jours d’Hénoc furent de trois cent soixante-cinq ans. »
Le Livre d’Enoch en son entier, relaterait les songes et les visions d’un Prophète, qui vécut au premier millénaire de l’humanité suivant les noms reportés dans les Textes Saints des religions monothéistes. Bien évidemment, Enoch étant Prophète, au travers de la lecture de son Livre, se dessinent des récits plus étendus sur l’histoire du monde, récits relatés dans plusieurs autres livres de l’Ancien Testament. Ainsi, le fond du Livre d’Enoch dépasse le temps de vie du grand-père de Noé, pour couvrir une période qui s’échelonne du commencement du monde, au Ve Siècle avant Jésus-Christ, voire, jusqu’au IIe Siècle après. Les théologiens et les rabbins ont cru percevoir dans les écrits supposés d’Enoch, l’annonce de l’arrivé d’un être attendu, le Messie, que les Juifs s’impatientent toujours de voir venir et que les chrétiens donnent pour être déjà mort pour les sauver. Pourtant, comme nous allons le voir, les Livres d’Enoch remontent à une tradition bien plus ancienne.
Ajoutons, que le Livre d’Enoch, de par son contenu et sa forme, comprend différents types de constructions tant grammaticales que de styles. Il en découle que l’ouvrage n’a pas été fait à une seule époque déterminée, et qu’il fut compilé avec des textes rédigés par plusieurs rédacteurs dont les écrits ont été modifiés par les mains des scribes copistes qui nous ont transmis leurs travaux. Bien que ce constat soit évident, nous nous permettons de le souligner. Il serait en effet assez difficile de croire, qu’un ouvrage prétendument écrit au premier millénaire de l’humanité, ait réussi à traverser l’histoire humaine, et ait miraculeusement survécu à de nombreuses catastrophes, dont le Déluge, qui du vivant d’Enoch, n’a pas encore eu lieu.
De par sa position au sein des Prophètes, Enoch fut reconnu comme un patriarche d’importance. Il n’est donc pas étonnant que dès les origines, lui fut attribué la paternité de différents Livres Saints. On pensait alors qu’aussi vrai que Moïse avait écrit le Pentateuque (on se trompait), c’est-à-dire les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, de grands personnages bibliques devaient l’avoir fait également bien avant lui. C’est ainsi que dans l’antiquité, une secte d’hérétiques gnostiques, les Sethiniens, se donna comme source d’existence les écrits de cet illustre ancêtre qu’était Seth, fils d’Adam. Elle appuyait cette vérité sur plusieurs livres prétendument écrits par ce patriarche, comme l’Apocalypse d’Abraham ou le livre de la Petite Genèse. Ainsi de même, Enoch, le septième homme de l’humanité, devait être l’auteur lui aussi, de certains ouvrages. Cette reconnaissance lui fut accréditée par les juifs, à partir du VIIIe Siècle avant Jésus-Christ et confirmé au VIe Siècle de la même ère, c’est-à-dire à la suite de leur retour d’exil de Babylone. Le Livre d’Enoch était alors considéré comme une Loi. Puis, au Ier Siècle avant J.C, les Révélations d’Enoch furent abandonnées progressivement. La raison de ce rejet est assez simple à expliquer et déjà soulignée : le Livre d’Enoch n’est pas réellement de tradition hébraïque, mais surtout, il peut sous-entendre l’arrivée d’un Messie, c’est-à-dire pour les chrétiens l’arrivé du Fils de Dieu, Jésus-Christ.
Ainsi, à postériori, le Livre d’Enoch fut adopté pour ses révélations sur le Christ, par les sociétés chrétiennes. La certitude de la paternité d’Enoch sur son Livre, fut désignée par les premiers chrétiens, à la même époque où les juifs la réfutèrent complètement. Toutefois, Enoch n’était pas l’auteur supposé d’un, mais de cinq ouvrages. Ainsi, ce sont cinq Codex, qui furent réunis en un seul livre, le Livre d’Enoch :
- Le Livre de l’Ancien Monde – Kefel I à XIII :
- Le Livre du Jugement – Kefel XIV à XXXVI
- Le Livre des Paraboles – Kefel XXXVII à LXX
- Le Livre de l’Astronomie – Kefel LXXI à LXXXI
- Le Livre des Songes – Kefel LXXXII à LXXXIX
Ce sont donc, ces cinq Codex indépendants à l’origine, qui furent regroupés pour former le Livre d’Enoch. Cependant, rappelons que ces cinq livres n’ont pas été écrits à la même époque. Ils n’ont donc ni la même origine ni le même sens objectif ou subjectif.
A partir du Ier Siècle après Jésus-Christ, la paternité du Livre d’Enoch fut remise en question par les chrétiens eux-mêmes. Pourtant, certains penseurs et théologiens, comme Tertullien, ne pouvaient remettre en doute cet ouvrage, comme nous pouvons le constater au Premier Livre De l’Ornement des Femmes :
« Je sais que le livre d’Enoch, où est rapporté ce que j’ai dit des Anges déserteurs, n’est point reçu par quelques auteurs, attendu qu’il n’est pas admis au nombre des Ecritures sacrées. Ils ont cru, j’imagine, que, composé avant le déluge, ce monument n’avait pu se conserver au milieu des ruines de toutes choses. S’ils n’ont pas de preuve plus concluante, je leur rappellerai que Noé, petit-fils d’Enoch, survécut à la destruction universelle, Noé, qui, en vertu du nom qu’il portait, avait appris, par une tradition héréditaire, les grâces que Dieu avait faites à son aïeul, et les doctrines qu’il avait enseignées, d’autant plus qu’Enoch n’avait rien tant recommandé à son fils Mathusalem que d’en léguer la mémoire à sa postérité. Noé a donc pu, sans aucun doute, succéder à son aïeul dans la délégation de cet enseignement. D’ailleurs, eût-il gardé le silence sur les dispositions d’un Dieu qui l’avait sauvé et sur les monuments illustres destinés à perpétuer la gloire de sa maison ? Mais qu’il n’ait pu conserver cet ouvrage, je l’accorde. Voici qui maintiendrait encore l’authenticité de cette Ecriture. Si ce monument disparut dans la violence du déluge, Noé n’a-t-il pas pu le réparer sous l’inspiration de l’Esprit, à peu près comme les Ecritures sacrées des Juifs qui avaient péri dans la prise de Jérusalem, sous la main de Babylone, furent rétablies par Esdras, ainsi que l’atteste l’histoire ? Ajoutez à cela que le livre d’Enoch renfermant des prophéties qui concernent le Seigneur, nous ne devons rien rejeter de ce qui nous intéresse. Ne lisons-nous pas que toute écriture propre à nous édifier est inspirée par Dieu ? Qu’importe donc que les Juifs aient rejeté celle-ci, comme ils rejettent tout ce qui concerne Jésus-Christ ! Je ne m’étonne plus qu’ils aient repoussé la muette parole qui l’annonce, eux qui devaient repousser le Christ, lorsqu’il viendrait leur parler en personne. Vous faut-il une dernière preuve ? L’apôtre Jude rend témoignage au livre d’Enoch. »
Malgré les résistances, le Livre d’Enoch finit par être rejeté définitivement par l’Eglise Chrétienne, et devint apocryphe, par décision du Concile de Laodicée qui définira vers la deuxième partie du IVe Siècle après Jésus-Christ, les Livres canoniques officiels de l’Ancien et du Nouveau Testament. Un ordre qui perdure toujours de nos jours pour l’Eglise Catholique :
« Canon 60 - Les Livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament sont : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, Le Deutéronome, Josuée, les Juges, Ruth, les quatre livres des Rois, les Paralipomènes, Esdras, Esther, Job, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiste, le Cantique des Cantiques, Isaïe, Jérémie et Baruch ; Ezéchiel, Daniel, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie ; les quatre Evangiles de Saint Matthieu, Saint Marc, Saint Luc et Saint Jean, les Actes des apôtres, les quatorze Epîtres de Saint Paul, les deux Epîtres de Saint Pierre, les trois Epîtres de Saint Jean, l’Epître de Saint Jacques et l’Epître de Saint Jude. »
Le Livre d’Enoch se devait d’être oublié. Toutefois, que penser alors, des Pères de l’Eglise ou des Théologiens qui avant sa disparition des canons de la Bible chrétienne, avaient parlé et écrit sur celui-ci ? Saint Jude, par exemple, comme le précise Tertullien, ne citait-il pas le Livre d’Enoch, dans son Commentaire sur Amos, écrit au Ier Siècle de l’ère chrétienne ? Surtout que cet Epître de Saint Jude avait été canonisé par le Concile de Laodicée. Ce même Concile qui avait rejeté définitivement des Saintes Ecritures, le Livre d’Enoch :
« C’est aussi pour eux qu’Enoch, le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes : Voici, le Seigneur est venu avec ses Saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d’impiété qu’ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu’ont proférées contre lui des pécheurs impies. »
Malgré cette controverse, l’ouvrage disparut, ne laissant que quelques bribes encore lisibles. Il ne fut retrouvé en son entier, qu’à la fin du XVIIIe Siècle, en Abyssinie. Il portait toujours le nom qui l’avait fait connaître : Metsahaf Enoc nabi, Le Livre d’Enoch le Prophète.
Et, c’est ce Livre que nous vous proposons d’étudier dans ces pages. Les deux premiers Codex du Livre d’Enoch sont considérés comme une Genèse, car ils reprennent les vérités dictées et énoncées dans les théogonies des Anciens Cultes. Le troisième Codex entreprend de rapprocher les deux premiers Livres de la Religion. Il est donc plus complexe à expliquer, car l’allégorie y est plus que présente. Le quatrième Codex est encore plus particulier, car il expose une science astronomique qui était enseignée dans la plus haute antiquité, mais qui aujourd’hui souffre d’un manque d’explication symbolique. Le dernier Codex est dit prophétique, mais ne porte en réalité que sur des faits historiques écrits postérieurement aux évènements relatés. Bien que fascinant, le cinquième livre est dont une imposture relevant de la justification et non de la démonstration ou de la Prophétie, comme nous allons le voir et l’illustrer.